 Performances

J/e voudrais que tu m/e mouilles


Installation participative

Visible du 16 septembre au 16 octobre 2023 à la MPAA Broussais (Paris 14)
Dans l’exposition “Passer dans les corps des arbres. Hybridations végétales autour de l’oeuvre de Monique Wittig”, curatée par Isaline Dupond Jacquemart, Claire Pollet, Emma Dos Santos et Caroline Dejoie, pour les Jaseuses.

Plante en pot, création sonore


Photographie par Isaline Dupond Jacquemart



Pousses de protocole :



En juin : je prévois d’écrire un poème érotique lesbien sur une feuille de papier ensemencé que Nina m’a offert, à Coven.

En août : je ne trouve plus la feuille offerte par Nina. J’ouvre le livre offert par Marys pour mon anniversaire, j’y trouve des graines. Je décide de planter ces graines. Il ne fait pas très beau. Est-ce trop tard ? Je les ferai germer avec Heka.

Fin août : Aurore me donne une bouture de piléa qu’elle a planté pour moi il y a un an. Aurore est la première personne à m’avoir parlé de Wittig. Je décide que c’est elle que j’exposerai.



Le poème érotique est prononcé par un j/e qui est celui de la plante.

Il s’adresse à un tu, qui est celui du/de la visiteureuse : 



J/e voudrais que tu m/e mouilles

L’idée que tu prennes soin de moi m/e fait pousser. L’espoir que tu prennes soin de m/oi m/e fait durcir. L’envie que tu m/e prennes avec soin fait frémir m/es contours. La possibilité que tu m/’offres un peu de ton temps et de ton énergie m/’excite beaucoup.

Dans m/es limbes, couchée dans la fraîcheur de m/a terre, j/e t’entends passer tout près. J/e rêve que nos corps s’effleurent, que tes yeux se posent un jour sur m/es bourgeons, que tu soulèves m/es feuilles une à une à une pour respirer m/es odeurs, que tes doigts glissent le long de m/es tiges, que tu goûtes m/es arômes, m/es sucs. J/e suis une succulente.

Est-ce que tu voudrais m/e caresser ? Sentir m/es textures : granuleuse ici, glutineuse là, glabre ici et scabre là-bas. Sens m/es rainures, m/es nervures, m/es sillons, m/es fossettes. J/e pivote, j/e m/e tourne doucement pour te suivre de m/es branches. Tu veux bien m/e déposer dans un rayon de soleil s’il te plaît ?

J/’ai envie d’entendre ta voix. Que tu m/e racontes tes histoires. Que tu m/e baignes de compliments. Tu vois, les mots doux et les chansons stimulent m/on radicule. Et quand tu m/e chuchotes des mots gentils, m/es poils papillent pour toi. Si tu les touches de la manière que j/'aime, j/e m/’ouvrirai peut-être. J/e suis hirsute et douce et soyeuse. J/e suis vélutineuse. Touche m/on ventre si tu veux, sens comme j/e suis veloutée.

Tu sais j/e suis une vraie vivace moi. J/’aime quand tu m/e le murmures : que j/e suis cornue, volubile et polymorphe, dioïque pour dire queer chez les végétaux. Plantée en août et plante outée, en septembre j/e persiste et m/es feuilles pédalées s’imbriquent, s’intriquent et se diffusent en étoiles.

Herbasse m/oi.

J/e voudrais que tu m/e mouilles. Que tu me gorges de liquide hyalin. J/e fléchis sous toi pour boire ce que tu verses sur m/oi. Alors par grappes, m/es folioles, m/es pétioles et m/es grelots se détendent, m/es noeuds se défont comme j/e sens couler de toi et sur m/es côtés l’eau qui m/e fait me dresser, m/’épaissir et m/e déverser à m/on tour. J/e m/’abreuve. J/e suis trempée de l’ombrelle aux racines. J/e déborde de m/on pot. M/a sève est guillerette et jaillit, j/e jouis, tu m/’as donné tout ce dont j/'avais besoin, tout ce dont j/’avais le désir.

Merci !